|| Délicieux Réveil

Say mє
Délicieux Réveil - Libre

. Le cri d'un oiseau s'envolant en quête de nourriture après avoir couvé toute la nuit son nid me tira d'un profond sommeil. Engourdie comme jamais après avoir dormie si bien, mon corps fin s'ébroua et en deux temps-trois mouvements je me retrouva debout, le museau contre le vent, guettant toutes odeures suspectes. Mais au lieu de trouver une raison de fuir l'endroit qui avait m'avait abriter pour la nuit, c'est une odeure de sève qui vint me chatouiller les naseaux. Le vent timide du matin transportait en son coeur toutes les fragrances de la forêt et le fond air encore humide par la rosée ne fesait que décupler cet apport enivrant d'odeures délicieuses. Le soleil déjà haut dans le ciel - eut-il été possible que je dormes si longtemps? - arrosait mon corps ébène et désireux de chaleure de ses bienfesants rayons. Mais malheureusement pour moi, cette séance d'UV fut bien vite arrêter quand, décidant de découvrir l'agréable endroit, je me mis en marche et m'enfonça sous des feuillages trop épais pour laisser passer les rayons de l'astre du jour.
. D'un pas énergique, je marchais sans but, yeux clos et naseaux dilatés, me rassasiant des effluves sucrées que les fleurs forêstières disperssaient dans l'air qui commençait à se réchauffer. Ma crinière drue et aussi sombre que le reste de mon corps se décollait de mon encolure au rythme de mon avancée, et ma queue fouettant mes flancs arrondis témoignaient de ma bonne humeur. Peut-être même le sourire suspendus à mes lèvres opaques était encore une preuve - et la plus évidente - de mon coeur en joie. Le bruit si reconnaissable de l'onde s'écoulant paresseusement me fit changer de direction, et je croisa bien rapidement le chemin d'un ruisseau à l'eau claire et fort désaltérante je dois dire.
. Reprenant mon chemin, j'écoutais la nature s'éveiller à son tour. Les lapins sortaient de leurs terriers, les oiseaux piallaient et les animaux commençaient à laisser des traces de leur passage dans l'humus mou. Emportée par cet éveil réjouissant, je ne sais combien de temps je pus marcher ainsi, me laissant porter par la magie de la forêt mystérieuse. Cet au détour d'un arbre au tronc imposant et à l'écorce rude qu'une odeure étrangère vint me sortir de ma ballade enchantée. Je stoppa net, les membres en appui, prête à déguerpir au moindre signe de menaces.

La nuit avait été longue. Longue et tourmentée. Chaque souvenir, chaque parcelle de la mémoire de Bubbling Cherry n’avait cessait de s’éveiller, de la hanter, de lui rappelait ce qu’elle essayait tant bien que mal d’oublier. Un nouveau départ était toujours une étape difficile à prendre, mais le destin aidait parfois considérablement l’engrenage des événements, huilant un peu ces mécanismes décadents.
La rosée avait arrosé avec abondance le corps frêle de la jeune jument qui ne semblait pas s’en soucier. Après tout, toute la forêt était recouverte de cette pellicule humide et fraîche qui tâchait, par son léger reflet, de réveiller le reste de la nature encore endormie. Le sentier qu’elle emprunter ne semblait pas être très souvent visité. Jalonné de très nombreuses ronces et autres végétaux aux griffes acérés, il était principalement constitué d’une terre boueuse, en permanente humidité. La petite jument avait ainsi repeint chaque extrémité de ses membres d’une épaisse couche d’argile qui commençait à sécher face au soleil enivrant qui lui léchait la peau. Arrachant sans aucune délicatesse une poignée d’herbe qui se trouvait maladroitement sur son chemin, Cherry continua sa route sans se soucier des épais crins qu’elle abandonnait aux épines rougeoyantes qui tentait inlassablement de l’attraper, comme un vieil amant jaloux.

Soudain, son corps frémis. Ses yeux, aussi grand et brillant qu’un diamant scrutèrent rapidement l’horizon et se posèrent avec une brutalité incontrôlée sur un corps frémissant. Un équidé. Lui faisant face, à quelques mètres de là, l’animal semblait l’avoir repéré, lui aussi. Grondant sourdement, Cherry plaqua instinctivement ses fines oreilles dans les profondeurs abyssales de sa fine crinière d’ébène. Un mouvement lent et contrôler plaça ensuite sa tête très haute au bout de son encolure frêle qui se contractait sans vraiment y avoir était invité. Son visage revêtait une forme sombre de fierté abusive et de mépris refoulé. Mais contrôlant habillement ses émotions, la donzelle tâcha de garder la mine la plus neutre possible, histoire d’évaluer un peu le niveau de l’équidé qui lui faisait face. D’une patience quelque peu limitée, la jument restait immobile, laissant seulement son épaisse queue colorée frapper avec une violence honteuse ses flancs déformés par la fatigue et la soif.

Say mє

. Tu m'apparus, venant d'entre les arbres, fleurissant d'un buisson épineux. Ton attitude, je ne la comprenais pas. Ton grondement n'était pas justifié. Je ne voulais pas te juger, pas tout de suite, mais il me semblait que tu te cachais ... Pourquoi ? Tes traits fragiles et pourtant empreints de volonté me fesait quelque peu hésité. Qui étais-tu ? Frêle, fragile, gracile ou volontaire, peut-être agressive & hautaine. Etait-ce possible que tu sois même un peu des deux ? Mélange de jument stéréotypé et de jument vagabonde ? J'esquiva un pas dansant sur le côté, me rapprochant d'un cercle de lumière qui filtrait du feuillage touffu s'élevant au dessus de nos deux têtes. Voyais-tu mes hésitations ? J'espèrais que non. Mon regard, contre ma volonté pourtant, n'arrêtait pas de balayer ton corps tacheté. Prendrais-tu ça pour un manque de respect de ma part ? Non, surtout pas, tu n'avais aucune raison de te braquer. Je voulais juste croiser ton destin, ne plus être une inconnue perdue dans ces terres énigmatiques. Et pour se croiser, il fallait avancer. C'est ce que je fis encore, dépassant le rayon de lumière matinal, je m'avança vers toi de deux-trois pas respectueux. Les crins sombres et emmêlés de mon épaisse queue carressaient avec paresse mes membres fins. Ma robe à l'effigie d'une nuit sans étoiles miroitait de reflets roux. Tant bien que mal, je tenta de dissimuler les picotements qui s'intensifiaient à chaque pas au creux de mes flancs. Mon regard fila vers de grands arbres. Ces picotements, je les connaissais, ils signifiaient que je craignais de toi une attaque. Je me traita d'idiote. Mais tu me troublais, c'était vrai : j'avais l'impression que ton apparence n'était qu'une façade. Je m'arrêta aux côtés d'un arbre couché, sûrement abbatu par des vents trop violents. Je pouvais presque ressentir la chaleure que ton corps dégageait. On était proche, séparée seulement par un gros morceau de bois qu'il suffisait d'enjamber. Il aurait été alors normale que je me présente, mais je me plaisais dans l'ignorance du son de ta voix et dans l'inconnu de ton prénom. Pour seul acte d'une grande tragédie sentimentale, je t'offris un sourire emplit de sympathie, juste pour toi, chère inconnue des bois.

Sans un mouvement, sans une oscillation, sans une quelconque forme de déplacement, Bubbling Cherry observa la jument à la robe sombre. Celle –ci était hésitante, limite apeuré par quelque chose que la jeune jument ne savait pour le moment définir, faute de proximité. Puis elle s’avança, avec un respect tel que la jeune jument fut surprise. Un frisson parcourut l’espace d’une seconde son échine, hérissant les quelques poils de son dos d’une étroitesse affolante. Cependant, sur son visage aucune expression à par peu être celle d’une méfiance méprisante quelque peu étouffante.

De plus en plus près, l’inconnu à la robe étrangement sombre s’approchait. Elle pouvait maintenant distinguer ses traits féminins, et son regard inquiet posé sur elle. Etait-ce bien Bubbling qui provoquait cette anxiété chez la jument ? A première vue, oui, et cela eut pour simple effet de déraidir les traits de la jument. Certes Bubbling Cherry était une petite boule de nerf, étouffée par une fierté démesuré et dotée d’un sens du mépris plus accrus que celui de la sympathie ; mais jamais elle n’avait fait un tel effet à quelqu’un. Certain la méprisait autant qu’elle, d’autre tentait de lui apprendre la vie à coup de dents, beaucoup préféraient éviter son chemin pour éviter les contrariétés mais jamais personne n’avait montrer le moindre signe de peur ou d’appréhension. Sa taille y était pour beaucoup… Difficile d’être crédible avec une si petite taille, même avec le tempérament le plus enflammé qui soit.

Puis, désarmant, envoûtant, inattendu et surtout d’une simplicité extrême, un sourire. Ce connaissaient-elles ? Sûrement pas. Y avait-il une raison à une telle marque de gentillesse dénudée de sous-entendu ou d’attente ? Aucune à première vue. Et cela eut pour effet de décontenancer complètement la jeune jument qui décrispa ses muscles juvéniles avant de reculer d’un pas désordonné.

Alors timidement, mué dans ce silence presque religieux, la toute petite appaloose approcha du tronc qui, là sur le sol, les séparait. Cependant, en aucun cas elle ne dépasserait cette limite. Une limite symbolique, fictive et pourtant fabuleuse qui semblait ne déplaire ni à la Noire, ni à Cherry. Expirant avec une force abusive de ses naseaux rosés, Cherry les approcha avec une hésitation imperceptible vers la cette inconnue sans pour autant lâcher cette façade, ce masque peint d’une violence illusoire. Une inconnue qui ne l’était plus tant que ça.

Say me

. Toi aussi tu hésitais. Une vague de chaleur parcourut alors mon corps gracile refroidit par la nuit qui s'éloignait. J'avais enfin perçu quelque chose de toi, mais cette image, cet écran cinématographique incongru et inserviable reprenait toujours le dessus. Mais maintenant, il m'était égal de ne pas en savoir plus sur toi, maintenant, j'avais décidé de me contenter de cette façade, maintenant, c'était toi qui t'étais avancer... Tu étais désorienté, par quoi ? Par qui ? Moi ? Et pourquoi ? Mon sourire s'effaça quelque peu; je ne pouvais pas le garder indéfiniment, pourtant, sache que j'aurais aimé. A moi aussi, cette distante peinte d'écorce et de bois me convenait, me comblait même. Je me surpris à nous différencier: tu étais un peu plus petite que moi, et nos couleurs différaient. Mais à part ça, à quoi ressemblions-nous, là, perdue sous l'épais feuillage, muettes entre deux arbres. Tu avanças ton museaux duveteux vers moi. J'aurai adorer te rendre cet élan vers l'inconnu, mais je ne pouvais pas, et sur mon regard aux coloris du corbeau, un voile de tristesse se déposa. Le contact physique, très peu pour moi. Digne d'un roman évoquant les ressentiments d'un tueur lors qu'il s'approchait de sa victime, je me délectai d'avoir ta présence auprès de moi, j'avais trop souffert d'être délaissée et pour une fois, quelqu'un était à moi, rien qu'à moi. Un doux rire s'éleva de ma gorge. Non, je n'avais vraiment pas l'âme tueuse.
. Un oiseau jusqu'alors endormi dans l'un de ses grands arbres nous surplombant s'éleva dans un cri qui m'arracha un sursaut. Je te regarda, les yeux encore arrondis par la surprise.C'était le seul son qui s'était fait entendre dans cette immense forêt où poussaient de merveilleuses fleurs que j'épiais sans cesse du coin de l'oeil. Peut-être le moment me sembla plus propice à la discution, mais une phrase s'envola de mes lèvres couleurs de jais. " C'est une belle matinée...
. Oui je sais, c'était court, sans intérêt, mais les longs discours et l'approche naturel, c'était pas mon truc. Et toi? Toi, murée derrière cette peinture que tu tenais fermement devant ton coeur, oui toi, qu'en était-il de toi ? Attendant ta réponse le coeur battant un peu plus vite que la normale, je me plonga dans tes yeux.